Portabilité des garanties de protection sociale en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise
Quel est le dispositif de portabilité d’une couverture collective en frais de santé et en prévoyance en cas de liquidation judiciaire ? La position de la Cour de cassation du 5 novembre 2020 fait-elle jurisprudence ? Quels sont les impacts au niveau des contrats ? Réponses et décryptage avec Marie Pellegri, Responsable juridique.
Rappel du principe de portabilité
Le dispositif de portabilité de la couverture collective en frais de santé et en prévoyance est prévu à l’article L. 911-8 du code de la Sécurité sociale (CSS).
En cas de cessation de leur contrat de travail non consécutive à une faute lourde, les salariés qui ont le droit à une prise en charge par l’assurance chômage, doivent continuer à bénéficier « gratuitement » des mêmes garanties que celles en vigueur dans l’entreprise.
C’est une obligation de l’entreprise à l’égard de ses anciens salariés. Ce maintien est prévu pendant toute la durée de l’indemnisation du salarié, sur une durée de 12 mois maximum.
Position de la Cour de cassation du 5 novembre 2020
La Cour de cassation devait se prononcer sur le litige qui opposait un organisme assureur au liquidateur d’une entreprise en difficulté.
L’entreprise exigeait, sur le fondement de l’article L. 911-8, le maintien d’un contrat collectif d’assurance complémentaire santé au profit des anciens salariés de l’entreprise postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire.
L’assureur soutenait que le maintien des garanties est subordonné à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance et que ce financement repose sur un système de mutualisation pesant sur l’employeur et les salariés demeurant dans l’entreprise, et non sur l’assureur, qui ne peut s’appliquer en cas de liquidation judiciaire.
Pour la Cour de cassation, les observations de l’assureur ne se rapportent pas à un critère ou à une condition d’application de l’article L. 911-8 CSS. Elle rappelle que les dispositions de cet article qui organisent le dispositif de la portabilité :
- Sont des dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public
- Ne prévoient aucune exclusion de la portabilité pour les salariés licenciés par suite d’une liquidation judiciaire de leur ancien employeur
- Ne prévoient aucune condition relative à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’assureur et le condamne à maintenir les garanties.
La portabilité des garanties est maintenue tant que le contrat d’assurance n’est pas résilié. Il n’est donc pas possible pour l’assureur de refuser le maintien de la garantie dès lors que l’entreprise est en procédure de liquidation judiciaire et tant que le contrat d’assurance est en cours.
L’assureur ne peut pas résilier le contrat en raison d’une liquidation judiciaire, mais peut anticiper la résiliation et mettre fin au contrat à la date d’échéance prévue contractuellement (en respectant le préavis).
Un vide juridique
Le vide juridique du maintien de la portabilité en cas de liquidation judiciaire avait été identifié par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, laquelle prévoyait expressément que le gouvernement devait remettre au Parlement (avant le 1er mai 2014), un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures en cas de liquidation judiciaire.
Cette question dans le contexte actuel de crise, n’est toujours pas réglée :
- Pour les assurés qui, en cas de résiliation du contrat, pourraient perdre le bénéfice des garanties et ce quand bien même ils n’auraient pas atteint le terme de leurs droits à portabilité ;
- Pour les assureurs qui, en cas de non-résiliation du contrat, devraient maintenir les garanties sans contrepartie de cotisations.