Crise sanitaire et épargne salariale : éclairage du Groupe Henner
11 millions de salariés sont potentiellement concernés par des changements de calendrier de versement de leur participation et/ou intéressement. Quelles sont les problématiques et les challenges auxquels sont confrontées les entreprises qui doivent verser la participation et/ou l’intéressement ? Les habitudes des salariés concernant leur épargne salariale vont-elles être bouleversées dans l’environnement d’après-crise ? Pourquoi les entreprises doivent-elles maintenir leurs dispositifs fédérateurs en temps difficiles ? Découvrez l’article de nos experts.
Quelles sont les principales problématiques auxquelles ont été confrontés les entreprises concernant l’épargne salariale ?
La première urgence de nos entreprises clientes a été de savoir si les traitements collectifs de la participation et/ou de l’intéressement pouvaient être réalisés selon le calendrier prévu initialement avec leur teneur de comptes en jonglant avec deux contraintes :
La contrainte de trésorerie au sein de l’entreprise à cause de la crise sanitaire actuelle et la volonté de certaines de bénéficier de la possibilité octroyée par le gouvernement de repousser le versement jusqu’à la fin de l’année sans devoir verser des intérêts de retard.
Le fait que certains salariés pouvaient compter sur le versement de leur participation et/ou de leur intéressement dans un contexte économique complexe (par exemple : en cas de chômage partiel).
Cela étant, notre benchmark montre que la majorité des grandes entreprises ont choisi de maintenir leur calendrier initial de versement de la participation et/ou de l’intéressement. Le constat pourrait être plus nuancé pour les ETI et PME.
Quels ont été les challenges de ces entreprises qui ont décidé de maintenir le calendrier initial de versement de la participation et/ou de l’intéressement ?
Deux principaux challenges :
S’assurer que les salariés qui sont pour la plupart d’entre eux confinés, reçoivent bien l’information et puissent, à distance, effectuer leurs choix d’affectation ou de paiement de la participation et/ou de l’intéressement. Les entreprises mais également les teneurs de comptes privilégient les outils digitaux ce qui facilite, en effet, l’échange et le traitement de l’information. Néanmoins, le « 100 % digital » pouvait ne pas convenir à l’ensemble des salariés. En cas d’absence de choix, nous rappelons que la Loi Pacte a prévu un délai d’un mois après la date limite pour revenir sur le choix par défaut appliqué et éventuellement demander le paiement. Cela peut constituer une souplesse des processus sans modifier les calendriers prévus. A noter également que plusieurs entreprises ont prévu un rallongement de la durée d’interrogation initiale d’une ou deux semaines par rapport aux années précédentes.
S’assurer que ces versements, que nous pourrions appeler « les dividendes du travail », soient bien valorisés à leur juste titre. Ils sont un formidable moyen d’association des salariés aux fruits de leur travail. Leur versement est souvent accompagné d’un dispositif de communication permettant de les valoriser.
Qu’en est-il des entreprises qui ont décidé de décaler le calendrier de versement de la participation et/ou de l’intéressement ?
En cas de nécessité de décaler le versement, la clé reste une communication transparente et adaptée auprès des instances représentatives du personnel et des salariés eux-mêmes qui attendent ces versements comme un rendez-vous annuel. Si la raison est technique, économique ou organisationnelle, les messages passés se doivent d’être clairs qu’ils soient relayés ou non par le gestionnaire du Plan d’Epargne Salariale.
Les entreprises qui ont décidé de décaler le calendrier de versement examinent pour la plupart la possibilité de limiter ce décalage dans le temps en prévoyant une phase d’interrogation des salariés avant la période estivale. Cela permettrait notamment de ne pas pénaliser plus longtemps les plus bas salaires qui comptent véritablement sur ces sommes durant une période complexe économiquement.
Dans le cadre de la situation économique exceptionnelle, avez-vous constaté une évolution des politiques épargne salariale des entreprises et/ou une évolution dans les comportements des salariés ?
Concernant les entreprises :
Les montants versés en 2020 sont calculés sur la base des résultats 2019 qui sont relativement bons. La crise actuelle n’a donc pas d’impact direct sur les enveloppes de participation et/ou d’intéressement versées par les entreprises.
Une des conséquences de la crise actuelle sur le comportement des entreprises est qu’elles sont de plus en plus enclines à maximiser les processus de communication digitaux avec leurs salariés sur les sujets d’épargne salariale.
A ce jour, la grande majorité des entreprises n’a pas prévu de renégociation des accords avec les partenaires sociaux. Il faut dire que les dispositifs d’Epargne Salariale sont régis par des accords avec les partenaires sociaux dans l’immense majorité des entreprises. Envisager une renégociation des avantages prévus constitue un rendez-vous avec les représentants du personnel et donc une mobilisation des équipes RH, Relations Sociales, Finances et C&B qui s’avèrent complexes en cette période. Les créneaux disponibles à la négociation ou à l’information d’un CSE sont pour le moment réservés aux dispositions d’urgence comme le télétravail, l’activité partielle…
Nous n’avons, pour le moment, aucune demande relative à une réduction des enveloppes d’abondement, message relativement négatif à passer auprès des IRP et salariés.
Concernant les salariés :
Nous avons reçu beaucoup de questions relatives à la possibilité de débloquer les avoirs d’épargne salariale en raison de la crise actuelle. Les cas de déblocages anticipés étant énumérés limitativement par la loi, le déblocage n’est pas possible en raison de la crise actuelle.
Nous avons constaté que les salariés sont de moins en moins enclins à investir sur des supports risqués, quand bien même leur horizon de placement est lointain. On aurait pu penser que les salariés pourraient vouloir investir lorsque les marchés financiers sont bas afin de bénéficier de l’effet d’aubaine mais en réalité, la plupart d’entre eux, ont été méfiants. Cela étant, il faudrait attendre la fin des campagnes d’affectation de la participation et/ou de l’intéressement pour avoir une vision plus globale.
Les demandes de déblocages anticipés sont globalement en baisse en raison des moins-values actuellement constatées sur la majorité des fonds commun de placement proposés par les sociétés de gestion en Epargne Salariale.
On parle beaucoup des mesures d’urgence mais assez peu des effets de bord qui feront suite à la reprise des activités (à un rythme normal voire beaucoup plus soutenu), avez-vous des conseils à donner aux acteurs de la rémunération et des avantages sociaux dans l’entreprise pour mieux préparer l’après-crise ?
L’Epargne salariale est un formidable vecteur de motivation et de fidélisation des collaborateurs. Dans le contexte d’une reprise de l’activité économique, les collaborateurs seront, vraisemblablement, mis à contribution de manière exceptionnelle. Néanmoins, les enveloppes de participation et/ou d’intéressement versées en 2021 sur les résultats de 2020 seront impactées par la crise actuelle.
La première question que les entreprises pourraient se poser est l’impact du chômage partiel sur les calculs effectués par leurs systèmes de paie.
En effet, les indemnités de chômage partiel devront être exclues du calcul des enveloppes de participation et potentiellement de l’intéressement. Nous leur conseillons d’effectuer les traitements idoines dès à présent afin d’éviter un traitement à postériori.
Une fois les enveloppes calculées, la question de la répartition de celles-ci entre les salariés éligibles se posera. Il est prévu par le législateur que les salariés touchés par une période d’activité partielle ne doivent pas être exclus de la répartition ou de la distribution de ces sommes. La totalité des heures chômées est également prise en compte pour la répartition de la participation et de l’intéressement lorsque cette répartition est proportionnelle à la durée de présence du salarié. Lorsque cette répartition est proportionnelle au salaire, les salaires à prendre en compte sont ceux qu’aurait perçus le salarié s’il n’avait pas été placé en activité partielle. Ainsi, le code du travail neutralise les périodes d’activité partielle.
Par ailleurs, l’après-crise sera également l’occasion pour le gouvernement de finaliser sa réforme des retraites, ce sujet déjà présent dans l’esprit des équipes C&B et sera donc à reconsidérer fin 2020 – courant 2021 sans oublier d’autres sujets potentiellement restés en suspens comme les transformations Loi Pacte des dispositifs PERCO, Article 83…
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